Je suis finalement arrivé lundi à Kangiqsuallujuaq et dans l'instant je commence à travailler en vérifiant tous les postes de travail de la municipalité, et finit tard dans la soirée.
Après quelques mois d'absence, j'avais un nouveau rendez-vous avec mon village préféré au Nunavik : Kangiqsualujjuaq, le village des grands Canyons et de la fameuse rivière George. Suite à nos travaux de cet été, Jim Stewart qui est manager de la ville, m'avait demandé de revenir pour y achever quelques détails de finition ainsi que pour finir un certain nombre de formations qui n'avaient pas pu se faire à l'époque faute de participants partis en vacances.
J'ai quitté le village de Kangirsuk le jeudi matin en donnant une bonne poignée de main au copain Duane, avec un brin de nostalgie. Le bougre de capitaine va sûrement nous manquer. Nos routes se séparent puisque lui part retrouver Luc à Ivujivik en passant par Salluit tandis qu'Éric devra me retrouver à Kuujjuaq vendredi soir.
Après une connexion à Kuujjuaq, l'avion atterrissait à Kangiqsualujjuaq en pleine tempête de vent et de pluie. Le temps pluvieux et chaud des derniers jours avait presque complètement éliminé les accumulations de neige des dernières semaines. Les skidoos trainaient un peu partout dans le village, abandonnés par leurs propriétaires, faute de neige pour avancer...
Jim Stewart et Jimmy Angnatuk (KMHB) étaient là tous les deux pour m'accueillir. Deux immenses pickups pour moi tout seul, j'étais presque gêné. Après m'être inscrit dans le nouvel hôtel flambant neuf de la Coop, le travail a rapidement commencé. Les formations se sont suivies à un rythme élevé jusqu'au soir.
J'ai été très intéressé de voir l'évolution de leur utilisation d'internet dans le bureau municipal. Tommy Baron, avec son regard toujours rieur, m'a expliqué que les semaines qui ont suivi notre départ ont été assez difficiles. Puis, progressivement, avec de la patience, ils ont domestiqué ce nouvel outil pour l'utiliser maintenant assez facilement. Je suis toujours étonné par leur rapidité d'apprentissage ainsi que par leur capacité à se débrouiller seul.
Après un repas vite avalé, Jim m'a réquisitionné pour la soirée afin de lui installer l'internet sans-fil chez lui. Après quelques heures de travail, on réussissait à installer une antenne sans fil coincée dans la fenêtre du deuxième étage. Le signal, même faible, lui permettait de brancher sa playstation sur internet. Un véritable éclair de joie et de reconnaissance a traversé ses yeux quand il a constaté que tout fonctionnait normalement.
Le lendemain, après quelques réparations mineures dans le NV, je prenais l'avion en début d'après-midi en direction de Kuujjuaq pour préparer notre départ vers la côte Hudson.
C'est avec une certaine nostalgie déjà que je pense au départ de Kangiqsualujjuaq, logiquement prévu demain. Même si la partie Telecom du projet me semble encore très fragile, il est temps de songer pour nous à la suite de notre travail. Les derniers jours nous ont permis de finaliser la partie inventaire, ainsi que les nombreuses formations aux usagers. Je n'insisterai jamais assez sur l'importance de cette partie.
Tommy Annanack, Jimmy Angnatuk, Sophie Unatweenuk, Maggie Imbeault, Tommy Baron, et tous les autres sont certainement bien contents de pouvoir maintenant profiter d'une adresse email et d'un accès internet mais ils ont tous la même inquiétude de se demander ce qu'ils feront lorsque nous serons partis. C'est ce défi-là que nous devons relever. Le support qui suit l'installation est ma tâche la plus lourde. Je concluerai donc en disant que ce n'est qu'un au revoir...
Ce coucher de soleil sur la baie en est la preuve vivante.
Le projet avance. Depuis que Saima est revenu m'aider, nous voyons enfin le bout du travail. Ce soir, je puis espérer une conclusion des travaux d'ici jeudi soir ou au pire vendredi pour le village de Kangiqsualujjuaq.
Le bureau municipal est presque entièrement connecté et la plupart des usagers ont commencé à utiliser leur courriel ou leur Thin Client. La journée aura été presque entièrement consacrée au Centre de la Jeunesse dans lequel nous avons connecté tous les ordinateurs. Nous avons même pu commencer les formations des usagers ainsi que l'inventaire de nos équipements.
Maintenant il faut penser à la suite du projet. Comment allons-nous nous organiser? Quelles vont être les décisions de l'ARK, la disponibilité de nos ressources, etc.
Ce projet est un monstre. J'en ai maintenant la conviction. Il aura fallu 2 semaines pleines sans interruption et pas moins de 4 ressources pour brancher proprement un village de taille moyenne. Cela signifie qu'en tenant compte de l'hiver qui approche, de notre manque de ressources, de tous les problèmes possibles, je ne pense pas qu'il soit réaliste de penser pouvoir brancher tous les villages correctement avant l'été prochain.
Mais ce soir, nous sommes tout de même bien avancé. Et cet Inukshuk est bien là pour nous indiquer la voie.
Ce matin, un grand bol d'air frais pour le petit déjeuner. Le Nunavik est sans conteste le lieu géographique le plus fascinant que j'ai visité dans ma vie. Après tous les problèmes humains de ce projet, il fallait que je me ressource, dans la nature. Une marche-jogging dans la toundra-taïga aura eu vite fait de me faire oublier tous les problèmes du moment.
Jimmy m'avait pourtant découragé de partir trop loin tout seul du fait de la présence de loups et d'ours. Mais, à la faveur d'un temps ensoleillé et venteux (sans moustiques), je suis parti 3 heures galoper dans les territoires vierges et rocailleux du Nunavik.
En suivant une route de sable qui serpente dans une superbe vallée sablonneuse de type glaciaire, je me suis éloigné du village en direction ouest. Puis à la fin du sentier, je me suis fixé le sommet d'une montagne comme objectif. De là, la vue embrassait la baie Ungava, le village ainsi que tout l'arrière pays. Un régal pour les yeux.
Rassasié de bleuets et d'aqpik, que je cueillais tout au long de l'ascension et de la descente, je me suis alors fixé un lac et une petite rivière comme objectif. Les couleurs de l'eau sur le vert dense de la forêt forment une ambiance que j'aime tellement observer. Arrivé au bord du lac, mon appareil photo était déjà plein et les moustiques se sont mis de la partie.
Alors je suis reparti au galop en direction des hauteurs plus venteuses. À ma surprise, j'ai senti l'odeur délicieuse de la fumée d'épinette et je me suis orienté dans la direction d'un filet de fumée qui sortait au-dessus d'un amas rocailleux à flanc de montagne. Il y avait là 3 dames Inuits qui prenaient le thé et de la banique après avoir cueilli chacune des bleuets et des aqpik. J'ai eu droit à ma portion de banique accompagnée de thé et nous avons discuté sur le paysage et les loups.
Ensuite, je suis reparti vers le village au pas de course en suivant un sentier des crêtes improvisé, avec de nombreuses étapes pour manger ces petits fruits pleins de saveurs (aqpik, bleuets, etc..)
En arrivant au village, je suis tombé sur mon copain qui travaille chez Bell ici à George River et qui ressemble tellement à Michel Lemire. Il s'est construit un chalet tout en bois à la sortie du village. Il y habite depuis 30 ans et il a des petits-enfants dans le village. Il est sculpteur à ses temps-libres. Il fait des œuvres en bois magnifiques avec des branches d'épinettes noueuses qu'il transforme en oiseaux de toute sorte. Il m'a invité à l'intérieur de sa maison pour me montrer un intérieur tout en bois, fusil au mur, poêle à bois, tabourets en épinette sculptée, tout droit sorti d'un livre de Jack London.
On a bien ri et en sortant de chez lui, il m'a présenté un couple d'explorateurs en canots qui finissaient un périple de 3 semaines en canot sur la rivière George depuis Schefferville. Le gars et la fille semblaient exténués de fatigue, les traits tirés et le visage maculé de sang par les moustiques voraces. On lisait encore la peur sur leur visage, des aventures qu'ils avaient vécues ces derniers jours.
Dommage que mon appareil photo soit plein... Et puis le travail m'attend.
Après plusieurs jours de pluie, le soleil est de retour depuis 18h la veille. Patrick et Denis sont retournés à Kuujjuaq hier, et Saima cet après-midi. Je reste donc seul à George River où beaucoup de problèmes sont encore à résoudre. En raison d'un problème électrique majeur en Ontario, le réseau Internet de l'école est en panne. Le réseau de l'ARK est lui aussi en panne en raison d'un problème de connecteur. Je surveille constamment les câbles mais le lien tombe en panne après plusieurs minutes.
Depuis la décision de Denis de partir seul à Aupaluk, je suis excédé de la façon dont le projet avance. Cependant, je m'aperçois combien je suis utile ici à George River, ce qui me motive.
En plus des problèmes relatifs au satellite, je travaille encore sur le câblage dans les bureaux municipaux. J'y ai mis au point une topologie de réseau cet après midi. Il restera à créer les comptes usagers et débuter la formation dès que possible.
Ce soir après le travail, je suis parti marcher dans les collines avoisinantes de George River. La vue y est fantastique et j'ai pu prendre de magnifiques photos.
Lundi le temps a subitement changé pour du vent fort et de la pluie. En matinée, Denis nous a formé sur l'équipement satellite afin que nous soyons capables d'exécuter le plan d'acceptation nous-mêmes.
Dans l'après-midi, Saima et moi-même avons installé le pont sans-fil au Centre de la Jeunesse qui est connecté au bureau municipal. De leur côté, Denis et Patrick ont travaillé sur le problème relatif au connecteur de la station terrestre satellite. À la fin de la journée, nous avons tous préparé des câbles de rechange.
Nous réalisons qu'il y a beaucoup de travail à accomplir... et les jours ne semblent pas suffisamment longs.
Dimanche, le temps était toujours beau. Nous avons terminé notre travail à la station de police et chez Air Inuit. À l'heure du dîner, nous avons appris que nous aurions aussi à connecter le Centre de la Jeunesse à Internet via la connexion du bureau municipal. En fait, Jim et Maggie Imbeault nous l'ont demandé à l'heure même du dîner.
Enfin au cours de l'après-midi, nous avons connecté le pont entre les deux bâtiments.
Nous avons commencé le travail samedi sur les bâtiments suivants : Air Inuit Transport, station terrestre satellite, bureau municipal, Daycare, Police. Simultanément, Denis s'est aperçu que le connecteur de l'antenne principale de la station terrestre était défectueux. Il décida alors de contacter Tim (SSI micro) afin de lui demander un nouveau connecteur.
Peu après notre arrivée à George River, Jim nous mentionna qu'une passerelle Internet haute vitesse existait déjà au village. Elle sera utilisée par l'école et en d'autres lieux comme le bureau municipal. Ce projet est supposé être bientôt achevé mais n'est cependant pas en concurrence avec celui de l'ARK. Au cours de l'après-midi, nous avons eu la chance de recevoir une visite de ministres dont Louis Mercier et Luc Harvey de l'ARK. À ce moment là, j'étais sur le toit du bureau municipal.
À la fin d'une très longue journée, nous sommes allés assister à la finale de volley-ball au cours de laquelle Junior May et ses équipiers ont battu George River.
Nous sommes arrivés à George River le 8 août depuis Kuujjuaq, par le bateau de Junior May qui se rendait aux jeux d'été de l'arctique oriental. Les conditions météo étaient excellentes (soleil et pas de vent). À notre arrivée lors de la marée haute, Jim Stewart nous accueillit et nous donna accès à la station satellite, un camion et tout notre équipement.
Vendredi soir, nous avons effectué un repérage du site sans-fil afin de nous préparer aux difficultés auxquelles nous aurions à faire face le lendemain.
Le soir venu, nous sommes allés assister à la finale de basket-ball au Centre de la Jeunesse où étaient organisés les jeux d'été de l'arctique oriental. Kuujjuaq a été battu par Puvirnituq malgré nos encouragements.
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