À mon arrivée à Kangirsuk mercredi dernier, j'ai été accueilli par Edward, le manager de la municipalité, qui est aussi le contact de l'ARK en charge du service Internet. Comme le lien Internet fonctionnait par intermittence depuis quelques jours dans le village, Edward m'a immédiatement emmené à la station satellite terrestre pour me montrer l'élément qu'il devait redémarrer à chaque coupure de service.
Assisté à distance par Jean-François, et puis par Denis, nous avons diagnostiqué la panne. Tard dans la soirée, nous avons conclu que l'élément en question était défectueux, qu'il devait être remplacé, et que Jean-François en apporterait un neuf le lendemain après-midi. En rentrant à l'hôtel, j'ai pu apercevoir une magnifique aurore boréale dans un ciel sans nuages. Quel contraste avec les heures passées à diagnostiquer une panne informatique dans un local technique exigü!
Le lendemain jeudi, j'ai profité de la matinée pour répondre aux besoins en support technique à la garderie et à la municipalité, dans laquelle travaillent aussi les employés de l'ARK et de l'OMHK (ce qui allait m'occuper aussi la journée de vendredi). Plus tard en début de soirée, après que Jean-François soit arrivé de Kuujjuaq, nous avons remplacé l'élément défectueux par le nouveau, puis testé le lien Internet nouvellement rétabli.
Samedi, un blizzard avec des vents de 100km/h a soufflé de 3h du matin jusque dans la soirée. Une tempête de neige telle que l'on ne distinguait rien à plus de 10 mètres. Résultat, les vols ont été annulés et nous avons dû replannifier notre voyage pour Kangiqsujuaq à lundi prochain.
Enfin dimanche et lundi matin, avec le retour d'une très belle météo, tandis que Jean-François travaillait à l'aéroport sur l'ordinateur qui fournit les informations météorologiques à Environnement Canada, je suis passé au Centre de Réhabilitation Makitautik effectuer la maintenance habituelle sur l'ordinateur de George, responsable de cet organisme. Dans l'après-midi, Jean-François et moi-même tentions de nouveau de prendre l'avion pour Kangisujuaq qui en raison d'un bris mécanique dû retourner à Kuujjuaq. Le lendemain mardi, l'avion nous menait enfin à Kangiqsujuaq.
"Merde, il est 10 heures du mat' !". C'est ainsi que ma journée commença. On a pour habitude - ou tradition - de jeter un coup d'oeil sur le lever du soleil pour prédire la journée qui débute : ensoleillé=bien, nuageux=mal. Mais quand vous avez pour compagnon de voyage le Capitaine Haddock, il se produit une espèce de distorsion spatio-temporelle des règles d'usage. Notre ami se fiera beaucoup plus volontiers à son riche vocabulaire qu'à tout autre chose, fût-elle le plus beau lever de soleil de l'univers.
Après avoir tapé à la porte du Capitaine, j'ai entendu le murmure discret d'un froissement de draps, suivi du fameux "Merde, il est 10 heures du mat' !". Il ne m'a même pas décoché un "salut" ou encore moins un "bonjour"... Je reconnais que j'en demande un peu trop. Quoiqu'il en soit, Haddock avait tout faux : il n'était que 9 heures. Au fond de moi, j'étais satisfait, en vertu de la célèbre maxime populaire "Haddock qui jure, bon augure". Si ce mec ne jure pas au réveil, votre journée est foutue.
Je suis descendu au centre de réhabilitation pour terminer l'initiation au développement Web de George. Il "pogne" vite les concepts et est un élève appliqué. Nous avons abordé les principes de base de la conception de site, l'importation et la mise en forme de texte, la structuration d'une page, le redimensionnement d'images, la gestion des hyperliens et la publication Web. Il sait qu'il pourra se reposer sur nous pour des tâches plus complexes telles que la création de graphiques ou le formatage avancé de pages. Toutefois, je n'ai aucun doute sur le fait qu'il sera un excellent webmestre pour www.makitautik.ca.
Sur le chemin du NV, j'ai fait une halte à Amaartuavik pour aider Lucy à transférer des données du portable de George vers sa station de travail. Le portable n'a pas voulu démarrer. Un diagnostic, étayé par une recherche sur Google, me fait penser que la pile CMOS de sa carte-mère est fichue (difficile d'en être sûr à 100%, mais la durée de vie d'une telle pile est d'environ 4 ans). Lucy m'a alors dit que George descendait à Montréal la semaine prochaine. J'ai rédigé et scotché au portable une note détaillée à l'attention du réparateur qui s'en chargera, afin d'accélérer et faciliter sa prestation.
Une fois rendu au NV, j'ai dû personnaliser le mot de passe du client léger de Mary, et étudier un dysfonctionnement de l'envoi de courriel depuis Excel. Vous souvenez-vous de mon intuition matinale, selon laquelle cette journée serait excellente ? Et bien... la fin prouva qu'elle était bien fondée ! Durant mon vol de retour à Kuujjuaq, j'ai partagé mon temps entre jouer avec deux adorables enfants Inuit, et admirer les aurores boréales nappant le ciel d'un Nunavik joliment enneigé. En plus, c'était mon premier vol à bord d'un Twin Otter, avion mythique s'il en est. Merde, il est déjà 20h30 !
La météo de jour nous a servi un léger blizzard qui m'a empêché de partir vers Kangiqsualujjuaq. C'est regrettable mais je ne suis pas déçu de retrouver la petite équipe que nous formons. Les dernières journées à Kangirsuk nous ont permis de terminer la connexion de Makitautik et toute la formation associée. Eric a investi beaucoup d'efforts et de temps dans la formation de George Kaukai sur des sujets aussi variés que le courriel, le web ou la comptabilité.
Je vous avais bien dit que Duane avait un coeur en or; il nous a gracieusement fait un repas de caribou hier soir à l'hôtel de la Coop. Un vrai régal tant sur le plan de la cuisson que sur l'assaisonnement. Eric en a profité pour goûter son premier repas de caribou.
Ce matin, la panne générale d'électricité a causé des problèmes au niveau de notre station terrienne satellite. Après quelques redémarrages, la situation est redevenue normale.
Un peu plus tard, Duane et moi avons pu tester la fiabilité de notre véhicule tout-terrain dans la fameuse côte de Kangirsuk qui relie le village à l'aéroport. La neige et le vent qui soufflait par rafales ne rendaient pas l'opération facile. Mais le Captain Duane Haddock, la cigarette vissée en coin, ne semblait pas inquiet. Pourtant à mi-chemin, notre véhicule s'est arrêté progressivement pour ne plus repartir. Un dérapage contrôlé de l'ami Duane nous a remis en sens contraire pour descendre la pente rendue glissante par la neige mouillée qui tombait en abondance.
D'un commun accord, nous décidâmes de repartir prendre une soupe à la Coop et de retenter notre chance avec l'estomac rempli. La suite ne fut pas plus brillante puisque j'ai calé dans la première côte cette fois et au lieu d'arrêter, le véhicule est reparti en sens inverse à pleine vitesse les quatres pneus bloqués. Nous nous sommes arrêtés à un demi-mètre du ravin, blancs comme la neige.
Le projet aurait pu s'arrêter là mais non. On a explosé de rire et après une reprise en main de Duane, le véhicule est reparti en sens contraire (la tête en avant). À notre retour au NV, le capitaine Haddock a piqué sa colère habituelle à l'encontre de cette "fuckin piece of shit" qui nous servait de véhicule. Nous avons décidé à l'unanimité d'opter pour la marche à pied, surtout lorsque Lucy, la standardiste du NV nous a raconté que 3 blancs avaient trouvé la mort dans des conditions similaires à cet endroit.
Plus le temps passe et plus je me dis que ce projet ne serait pas tout à fait le même sans la collaboration de notre équipier de l'Administration Régionale Kativik, l'ami Duane qui me rappelle tellement le capitaine Haddock que cela en devient parfois étonnant. Bougonneux et ancien marin, la même allure et les mêmes expressions cocasses, il nous permet de voir la réalité nordique sous un angle tellement sombre et caricatural que cela en devient drôle. Élevé à Salluit puis au Labrador, en passant par les États-unis, il collectionne les expressions les plus typiques et répétitives ainsi qu'une expérience de la vie sans doute très rude et difficile comme en témoignent ses nombreuses histoires de vieux marin.
Avec un coeur en or, des valeurs morales très élevées qui s'estompent à la première occasion, ce captain Haddock anglophone manie la langue de Shakespeare avec un souci du détail particulièrement pointu lorsqu'il s'agit de lâcher une bordée de jurons.
Avec une âme de révolté en permanence, il ne renâcle pas à la besogne lorsqu'il s'agit d'aider son prochain mais gare au malheureux qui voudra défier son autorité. Le marin a ses habitudes et ses valeurs et c'est toujours avec beaucoup de curiosité que je l'écoute sermonner sur la vie à tout va.
La casquette usée à la corde et tournée en arrière, la cigarette coincée sur le bord des lèvres, ce gars-là en a vu d'autres. Son bon coeur et sa simplicité me touchent toujours quand il raconte ses histoires de sa "fuckin' shitty life up north". Qui pourrait croire que sa mère est Inuit quand on l'écoute parler avec l'accent des bas-fonds de New-York, en commentant son enfance à Salluit, ses premiers jours sur son chalutier à la pêche à la crevette, ses copains de chalutiers, son divorce avec sa femme, ou encore sa fille de 8 ans qu'il n'a pas vu depuis 4 ans. Le nord, c'est un peu tout cela aussi....
Kangirsuk marque l'arrivée de nouvelles ressources fraîches dans l'équipe du projet internet Lan. En effet, j'ai rejoint Duane à Kangirsuk mercredi matin tandis qu'Éric arrivait de Montréal en après-midi. Nous serons donc 3 pour affronter le cap rocheux de Kangirsuk, qui s'annonce déjà moins dur que je ne le pensais.
La première journée aura été consacrée principalement aux présentations d'usage auprès des différents personnages de la municipalité: Joseph, un maire heureux nouvellement ré-élu, Noah secrétaire trésorier, Mary Nassak de KMHB une longue connaissance, et puis Etoa (pour Edward) le manager local qui nous a sympatiquement assigné un truck qui roule pour de vrai (nous avons évité de peu le truck burgundy qui se conduit sans frein).
À la faveur d'un temps de plus en plus chaud depuis la semaine dernière, notre petite équipe a attaqué le travail d'extérieur hier matin sous un soleil magnifique. Nous avons eu droit à un superbe lever de soleil sur la baie dont la marée charrie déjà tout un amas de morceaux de glaces. Debout sur le toit du Rehabilitation Center , face à la brise océane et devant ce décor grandiose, toutes vos expériences de cinéma Imax ne sont plus qu'un vague souvenir.
Avec l'aide efficace de Duane en extérieur, employé particulièrement coloré de l'ARK, nous avons installé l'antenne sur le toit après pas mal de démarches auprès des employés locaux pour obtenir tout le matériel nécessaire. Éric de son côté a démarré la partie Lan du Rehabilitation Center où il a pu faire connaissance avec George Kaukai, le gérant des lieux.
Tard dans la soirée, notre connexion internet ne passait toujours pas. Avec la fatigue et la faim nous sommes allé nous restaurer pour repartir au chantier vers 21 heures. Après moults essais, la connexion finissait par passer vers 23 heures en conjuguant nos efforts. Un beau travail d'équipe ma foi qui augure bien de la suite du projet.
En rentrant me coucher, j'ai assisté à mes plus belles aurores boréales depuis que je parcours le nord. Elles étaient si proches que j'aurais pu les toucher. Cette lumière serpente dans le ciel dans des couleurs vertes, blanches et orangées.
La journée qui se termine nous a permis de brancher le poste de Police, de finir le Rehabilitation Center et j'ai de mon côté dû épauler Xavier qui faisait face à un problème de Open Proxy au bureau Cri de Nemaska. Le tout sous une neige fine qui saupoudre maintenant le village dans la noirceur de cet fin d'après-midi de novembre.
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